La présidence de Faure Gnassingbé au Togo a débuté en 2005 à la suite d'un coup d'État militaire. Il n'a pas été élu. Il a été installé au pouvoir par les militaires et est resté au pouvoir depuis 2005. Il est important de comprendre le contexte de la présidence de Faure car il n'a pas été légitimement élu. Il est arrivé au pouvoir par la force et a utilisé la force pour rester au pouvoir depuis lors.
La constitution togolaise la plus récente est la dernière mesure prise par Faure pour consolider son pouvoir afin de pouvoir rester au pouvoir à vie, comme l'a fait son père. Cette démarche est particulièrement inquiétante, non seulement parce qu'il s'agit d'une tentative flagrante de saper la démocratie au Togo pour s'assurer que Faure reste au pouvoir encore plus longtemps, mais aussi parce que le Togo adopte un système parlementaire qui peut être utilisé pour renforcer davantage sa dictature. Dans un système parlementaire, le chef du gouvernement n'est pas élu par les citoyens dans le cadre d'une élection générale. Le chef du gouvernement est choisi par les membres du parlement. Les membres du parlement sont eux-mêmes élus par les citoyens lors d'une élection générale et le parti qui dispose du plus grand nombre de sièges au parlement est celui qui contrôle le gouvernement et peut choisir son chef de parti pour diriger l'exécutif. Dans un système parlementaire, la représentation démocratique découle de la capacité des citoyens à élire le parti au pouvoir, qui choisit à son tour le chef du gouvernement. Les systèmes parlementaires ne sont pas autoritaires en soi, mais ils peuvent être utilisés par des régimes autoritaires pour asseoir leur domination. En effet, les systèmes parlementaires garantissent qu'un seul parti contrôle les pouvoirs exécutif et législatif du gouvernement. Dans le modèle américain, qui est un système présidentiel plutôt que parlementaire, les membres du Congrès et le président sont élus séparément par le peuple américain. Il peut en résulter des situations où le président est un démocrate, mais où le Congrès est dirigé par des républicains. En d'autres termes, il n'y a aucune garantie qu'un parti puisse contrôler tous les niveaux de gouvernement, car le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont séparés. Cela peut servir de frein au pouvoir exécutif, bien que dans le modèle américain, cela ait causé le problème d'un blocage politique dans lequel peu de choses peuvent être faites en raison du conflit politique entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le modèle parlementaire ne crée pas une telle séparation entre les deux branches, ce qui peut très rapidement aboutir à la domination complète d'un parti sur le gouvernement. Au Royaume-Uni, Lord Hailsham a popularisé le terme de "dictature élective" pour décrire ce qu'il considérait comme une réduction des freins et contrepoids. Les freins et contrepoids d'un système parlementaire résident dans le fait que le corps législatif peut démettre le chef du gouvernement de ses fonctions en cas de mauvais résultats. Cela se fait par le biais d'une motion de censure. Les dictatures électives se développent dans les systèmes parlementaires lorsque la loyauté envers le parti prime sur l'efficacité du pouvoir exécutif. L'Union pour la République (UNIR) était déjà le parti dominant au Togo, mais ce nouveau changement constitutionnel subordonne de fait le gouvernement togolais à l'UNIR, car l'UNIR exerce désormais un contrôle encore plus grand qu'auparavant sur le gouvernement du Togo. Ce n'est plus le peuple togolais qui élit le président. Bien entendu, le peuple togolais n'avait pas grand-chose à dire sur les élections, étant donné que le Togo n'organise pas d'élections libres et équitables et qu'il a l'habitude de réprimer les dissidents. Cette nouvelle constitution ne servira qu'à renforcer la dictature au Togo et à consolider la domination du parti UNIR. La nouvelle constitution a effectivement créé une dictature élective au Togo. Source : https://dwomowale.medium.com/elective-dictatorship-the-problem-with-togos-new-constitution-b25daa18ccda
0 Comments
Le Togo accueillera le 9e congrès panafricain qui se tiendra dans le courant de l'année. Pour quiconque connaît l'histoire du régime actuel au Togo, il devrait être évident que ce Congrès est une tentative de trouver une légitimité à travers le panafricanisme. Depuis les manifestations de 2017, la dictature togolaise est confrontée au double défi de tenter de se légitimer aux yeux du monde tout en renforçant son emprise sur le pouvoir.
L'étau s'est resserré récemment lorsque la constitution du Togo a été modifiée de sorte que le pays dispose désormais d'un système parlementaire dans lequel les membres du parlement choisissent le président, au lieu que ce dernier soit élu lors d'élections générales par les citoyens togolais. Étant donné que le parti politique de Faure Gnassingbé occupe une position dominante au sein de l'assemblée nationale du Togo, il sera pratiquement impossible de renverser Faure par voie électorale. J'aborderai les ramifications du nouveau système parlementaire togolais dans un autre article. Je me concentre ici sur les ramifications du Congrès panafricain du Togo. Les manifestations de 2017 n'ont pas réussi à renverser Faure, mais elles ont permis à la dictature togolaise d'améliorer sa réputation internationale après que le monde a été témoin de la répression brutale des manifestants au Togo. Un exemple notable est le lancement du nouveau site "Togo First", qui vise à promouvoir des nouvelles positives sur le gouvernement togolais. Le site web publie également des articles en anglais afin d'atteindre un lectorat anglophone. Le 9e Congrès panafricain s'inscrit également dans cette démarche. Le gouvernement du Togo espère apporter une certaine forme de légitimité en s'attachant au mouvement panafricain qui a historiquement inspiré l'espoir et le progrès en Afrique. En consultant le site web du Congrès panafricain, j'ai été frappé par le fait qu'il utilise les visages d'éminents dirigeants panafricains de l'histoire pour promouvoir le Congrès. Il y a trois visages qui, à mon avis, méritent d'être mentionnés. Les deux premiers sont togolais. Le premier est Sylvanus Olympio, l'homme qui a été assassiné par Gnassingbé Eyadéma, le père de Faure. C'est une grande honte que le régime qui a tué Olympio l'utilise maintenant pour promouvoir ce congrès panafricain. Il est également honteux que Gervais Koffi Djondo soit utilisé pour promouvoir ce congrès parce qu'il a été étroitement lié à la dynastie Gnassingbé et a même travaillé dans le gouvernement d'Eyadéma. En d'autres termes, le site utilise à la fois Olympio et un homme qui a travaillé pour l'assassin d'Olympio pour promouvoir cet événement. L'autre visage qui m'a marqué est celui de Walter Rodney. En effet, Rodney a été contraint de faire face aux contradictions des sociétés postcoloniales d'Afrique et des Caraïbes, dans lesquelles la classe qui accédait au pouvoir poursuivait les mêmes politiques coloniales - c'est ce que Kwame Nkrumah appelait le néocolonialisme. Pour Rodney, ces contradictions sont apparues lors du sixième congrès panafricain qui s'est tenu en Tanzanie en 1974. Rodney a déclaré que "lorsque le sixième congrès panafricain se réunira à Dar-es-Salaam en juin 1974, il accueillera principalement les porte-parole des États d'Afrique et des Caraïbes qui, à bien des égards, représentent la négation du panafricanisme". Il faisait référence au fait que de nombreux dirigeants qui se sont réunis à ce congrès étaient des individus qui n'étaient pas pleinement engagés dans la vision du panafricanisme. Il a expliqué que la classe qui est arrivée au pouvoir après la fin du colonialisme en Afrique "a renié le principe cardinal du panafricanisme, à savoir l'unité et l'indivisibilité du continent africain". Le conflit entre Forbes Burnham et Eusi Kwayana au Guyana a été l'une des questions soulevées avant le sixième congrès panafricain. Kwayana, cofondateur de la Société africaine pour les relations culturelles avec l'Afrique indépendante (ASCRIA), est devenu l'un des principaux détracteurs du gouvernement de Burnham. À l'époque, Burnham était premier ministre du Guyana. Pendant un certain temps, Kwayana a soutenu le gouvernement de Burnham et les efforts panafricains de ce dernier. Kwayana s'était rendu en Afrique pour le compte du gouvernement de Burnham, où il avait rencontré divers mouvements anticoloniaux en Afrique afin de leur apporter son soutien. Le gouvernement de Burnham a fourni du matériel et du soutien à de nombreuses luttes de libération en Afrique, y compris en Afrique du Sud. Kwayana s'est finalement brouillé avec le gouvernement de Burnham en raison de la corruption qui y régnait. Dans le cadre de la préparation du sixième congrès panafricain, l'ASCRIA a participé à la formation du "Caribbean Liberation Steering Committee". Outre Kwayana, le comité comprenait Makandal Daaga et Khafra Kambon de Trinidad, Tim Hector d'Antigua, Bobby Clarke de la Barbade et Maurice Bishop de la Grenade. Burnham a obtenu du gouvernement tanzanien qu'il interdise l'accès des organisations non gouvernementales au Congrès panafricain afin d'empêcher les membres du Comité directeur de libération des Caraïbes d'assister au Congrès en Tanzanie. Le fait d'empêcher les panafricanistes caribéens d'y participer faisait partie des efforts de Burnham pour contrecarrer les activités panafricaines de l'ASCRIA. Burnham est également allé jusqu'à déporter deux Afro-Américains, Mamadou Lumumba et Shango Umoja, en raison de leurs liens avec l'ASCRIA. L'ASCRIA fusionnera plus tard avec d'autres organisations au Guyana pour former la "Working People's Alliance" (WPA). Lorsque Rodney est rentré au Guyana après avoir enseigné en Tanzanie, il a rejoint la WPA et s'est engagé dans la lutte contre la dictature de Burnham. C'est pourquoi il est ridicule d'utiliser le visage de Rodney pour promouvoir un congrès panafricain organisé par une dictature. La lutte de Rodney au Guyana était une lutte contre une dictature qui se drapait dans le panafricanisme. Il s'est battu contre ce que le gouvernement du Togo fait aujourd'hui. Ce 9ème congrès panafricain au Togo est organisé par certains des éléments qui représentent la négation même du panafricanisme. Source : https://dwomowale.medium.com/togos-9th-pan-congress-is-what-walter-rodney-warned-about-9c614fddf0a5 Mercredi, l'opposition togolaise a tenté d'organiser une conférence de presse sur la nouvelle constitution du Togo. L'événement a été interrompu par la police, ce qui est devenu une pratique courante au Togo. La nouvelle constitution donne désormais au parlement togolais le pouvoir d'élire le président de la nation. Les dirigeants de l'opposition togolaise et les activistes politiques reconnaissent à juste titre que cette décision porte un nouveau coup à la démocratie au Togo. Une caractéristique de la dictature togolaise sur laquelle j'ai souvent attiré l'attention est le fait que le régime ne renforce pas seulement sa propre position en sapant les institutions démocratiques, mais qu'il tente également de présenter une image très favorable et progressiste de lui-même à l'échelle internationale. Alors que la dictature togolaise cherche à consolider son pouvoir en démantelant la constitution, elle cherche également à s'aligner sur le panafricanisme, étant donné que le panafricanisme a été historiquement une force très progressiste en Afrique. Ma première introduction à la politique togolaise s'est faite dans le cadre de mes recherches sur le panafricanisme. Je suis tombé sur le nom de Tavio Amorin. Il était le secrétaire général du Parti socialiste panafricain au Togo. J'ai découvert que Tavio Amorin était un leader politique qui a été impitoyablement assassiné par Gnassingbé Eyadéma parce qu'il avait osé défendre une vision du Togo et de l'Afrique dans laquelle les masses étaient autonomisées au lieu d'être opprimées par une dictature oppressive. La lecture de Tavio Amorin a également été ma première introduction à Eyadéma. YouTube : https://youtu.be/L2WkqqD24PM YouTube : Teaser of the documentary - Tavio Amorin "like he used to say" J'ai découvert le nom de Tavio Amorin lorsque j'étais étudiant. C'était vers 2011. Tavio Amorin m'est revenu à l'esprit des années plus tard lors des manifestations de 2017 au Togo. Les années de travail de plaidoyer que j'ai effectuées pour le peuple togolais depuis 2017 m'ont permis de constater qu'il existe un esprit panafricain très fort au sein du peuple togolais. Certains des panafricanistes les plus engagés que j'ai connus ont été les camarades togolais que j'ai rencontrés dans le cadre de mes activités de plaidoyer. C'est pourquoi le Congrès panafricain qui se tient à Lomé doit être considéré comme un affront pour les panafricanistes sérieux. Le site web du 9e Congrès indique : "Le panafricanisme, qui est une vision de l'unité et de la souveraineté politique, économique et culturelle de l'Afrique et de ses peuples, est un mouvement qui s'adapte aux exigences de l'époque. Il est pertinent aujourd'hui comme il l'était hier. C'est un paradigme de survie face aux systèmes d'oppression et d'exploitation, tels que le racisme, l'esclavage, le colonialisme, l'apartheid, les brutalités policières, le néocolonialisme et le néolibéralisme. La destruction des statues et symboles de la suprématie blanche suite à l'assassinat de George Floyd par un policier blanc le 25 mai 2020 aux États-Unis a donné un coup de fouet au panafricanisme dans le contexte de l'universalisation du mouvement Black Lives Matter et d'un mouvement mondial multiracial pour la liberté et la justice. Le panafricanisme connaît une résurgence due à plusieurs facteurs, notamment l'avènement d'Internet, des nouvelles technologies de l'information et des réseaux sociaux, qui contribuent à une circulation plus rapide de l'information sur les initiatives panafricaines." Il est insultant de voir une telle chose écrite à propos d'un congrès organisé au Togo. Le gouvernement du Togo est la définition même du néocolonialisme. Eyadéma était un soldat qui a servi l'armée coloniale française, aidant la France dans la lutte contre les mouvements d'indépendance anticoloniaux en Algérie et en Indochine française. Le régime togolais est un régime néocolonial. Il est également insultant de voir l'article parler de l'avènement de l'internet et des réseaux sociaux, comme si le régime actuel du Togo ne violait pas les droits de ses citoyens en leur refusant l'accès à l'internet. Je reconnais que le meurtre de George Floyd a certainement donné un coup de fouet au panafricanisme, car les Africains du monde entier se sont rassemblés pour dénoncer le traitement brutal de nos frères et sœurs afro-américains aux mains de la police aux États-Unis. De même, nous devons nous rassembler pour condamner le traitement brutal de nos frères et sœurs togolais aux mains de la police au Togo. Ce que l'article a omis de dire, c'est que les manifestations de 2017 au Togo ont également donné un coup de fouet au panafricanisme. J'ai écrit dans "Faure Must Go" que mon objectif était de reconstruire le mouvement panafricain. L'esprit de résistance et de fierté que j'ai vu de la part du peuple togolais en 2017 a été une grande source d'inspiration pour moi, alors quand j'ai commencé l'effort de reconstruction du panafricanisme en 2017, le Togo a été la première cause dans laquelle je me suis impliqué et je l'ai été depuis. Depuis 2017, mon travail pour aider à libérer le Togo a été au centre de tout mon travail panafricain. Il a été mentionné dans la plupart des livres que j'ai publiés depuis que j'ai publié "Faure Must Go". C'est une cause que j'ai introduite dans toutes les organisations panafricaines dans lesquelles j'ai été impliqué. J'ai été un défenseur si ardent du Togo qu'on m'a souvent pris pour un Togolais. Je répondrais en notant que je ne suis pas né au Togo, mais que je peux très bien y avoir des racines ancestrales. Je crois fermement que le Togo jouera un rôle important dans le renouveau du panafricanisme, mais seulement grâce à l'exemple que le peuple togolais a donné dans sa courageuse lutte pour la libération. C'est pourquoi j'invite tous ceux qui sont attachés au renouveau du panafricanisme à apporter leur soutien à la lutte pour la libération du Togo. Source : https://dwomowale.medium.com/the-9th-pan-african-congress-in-lome-is-an-affront-to-pan-africanism-0ec585b0fa55 Un panafricanisme renouvelé doit s'opposer aux forces néocoloniales qui oppriment nos peuples4/4/2024 Henry Sylvester Williams a organisé une conférence panafricaine en 1900. À l'époque, Williams n'envisageait pas le panafricanisme comme un mouvement anticolonial, mais c'est dans cette direction que le mouvement panafricain s'est finalement orienté. W.E.B. Du Bois, qui a participé à la conférence de 1900, a ensuite organisé une série de congrès panafricains qui ont plaidé en faveur de l'autonomie des colonies d'Afrique. Le cinquième congrès panafricain, qui s'est tenu en 1945, a joué un rôle particulièrement important dans l'avancement de la lutte anticoloniale. Kwame Nkrumah a été le co-secrétaire du cinquième congrès. Nkrumah allait devenir une figure de proue de la lutte anticoloniale en Afrique. Il est important de retracer cette histoire car le panafricanisme a été un aspect central du mouvement anticolonial en Afrique. Il est également vrai que le panafricanisme est un mouvement qui a historiquement plaidé pour l'unité des peuples africains à travers le monde. En tant que tel, le panafricanisme a été ouvert à une variété d'approches et de visions idéologiques différentes. C'est pourquoi Kwame Ture a affirmé que le panafricanisme n'était pas une idéologie, mais un objectif. Il faisait remarquer que tous ceux qui se réclament du panafricanisme ne partagent pas nécessairement la même idéologie. Walter Rodney a fait valoir un point de vue similaire lorsqu'il a expliqué : "Il ne suffit pas d'affirmer que son idéologie vient du fait que l'on se dit défenseur du pouvoir noir ou nationaliste noir. C'est pourquoi les gens peuvent parler de l'idéologie du nationalisme noir ou de l'idéologie du panafricanisme, comme si le panafricanisme lui-même était une idéologie pure, ou que tous ceux qui se disent panafricains avaient la même idéologie." Cela m'amène à évoquer le gouvernement du Togo, qui a récemment lancé un appel à la participation à un congrès visant à renouveler le panafricanisme, comme le montre l'image ci-dessous : Cet appel est franchement hypocrite de la part du régime togolais. Il s'agit d'une dictature militaire qui s'est installée au pouvoir après avoir assassiné Sylvanus Olympio. Alors qu'Olympio était un militant anticolonialiste qui voulait que sa nation soit réellement indépendante du colonialisme français, Gnassingbe Eyadema était un serviteur du colonialisme français. Il a servi les Français en Indochine française et en Algérie, où il a combattu les luttes de libération anticoloniales. En tant que dictateur au Togo, Eyadema a violemment servi les politiques coloniales françaises. Il est également responsable de l'assassinat de Tavio Amorin, qui était un ardent défenseur de la cause panafricaine.
Aujourd'hui, le fils d'Eyadema appelle au renouveau du panafricanisme. Ce n'est rien d'autre qu'un acte d'opportunisme de la part d'un régime qui lutte pour sa légitimité. Faure Gnassingbé ne sera certainement pas le premier néocolonialiste à embrasser le panafricanisme en quête de légitimité. Joseph Mobutu en République démocratique du Congo prônait l'unité africaine, mais la vision de Mobutu n'était pas celle de Patrice Lumumba. De même, le panafricanisme de Faure n'est pas le panafricanisme anticolonial de Tavio Amorin. Le panafricanisme de Faure est ancré dans l'opportunisme et l'oppression impitoyable du peuple togolais. Faure n'est pas le seul à faire preuve d'opportunisme. Toutes sortes de charlatans opèrent aujourd'hui sous le couvert du panafricanisme. L'exemple le plus récent est celui d'un homme qui se fait appeler "Pan-Africanism Strikes Back" (le panafricanisme contre-attaque). Ce soi-disant panafricaniste soutient que Donald Trump est le seul espoir des Afro-Américains. YouTube : https://youtu.be/ffw156zgozg YouTube : Donald Trump is black America’s only hope/dominates Super Tuesday. Il faut en effet un renouveau du panafricanisme et ce panafricanisme renouvelé doit être un mouvement révolutionnaire et anticolonial qui cherche à libérer les peuples africains des forces qui les oppriment dans le monde entier. Ce panafricanisme renouvelé ne viendra jamais des opportunistes qui utilisent le panafricanisme pour dissimuler le fait qu'ils s'alignent sur les racistes qui haïssent les Africains. Source : https://dwomowale.medium.com/a-renewed-pan-africanism-must-oppose-the-neo-colonial-forces-which-oppress-our-people-86a023f6317b Entretien avec Gérald Horne, historien et militant (première partie).
Traduit de l’anglais par Anthony Ballas. Le texte qui suit est la retranscription d’un webinaire intitulé “lutte de libération noire et Palestine : la solidarité anticoloniale d’hier à demain”, co-organisé par la Ligue Panafricaine-Umoja, le Parti Révolutionnaire de tous les Peuples Africains (PRTPA), Dar al Janub, Hood Communist, Black Alliance for Peace, et Actvist News Network. Le Webinaire s’est tenu le 27 janvier 2024. Au cours de cet entretien, Gerald Horne, historien et militant, retrace les liens de solidarité des mouvements de libération noire avec la lutte du peuple palestinien pour l’autodétermination et contre le colonialisme (de peuplement) sioniste. Horne analyse cette relation d’un point de vue historique, mais aussi au regard du contexte actuel, à savoir la campagne génocidaire en cours contre les populations de Gaza et de Cisjordanie. Cette interview, initialement diffusée en anglais sur la chaine Youtube de Activist News Network, a été retranscrite et traduite en français par Anthony Ballas, professeur d'anglais à l'université du Colorado (Denver), écrivain et animateur de l’émission De Facto podcast, dont Gerald Horne est un invité fréquent. En collaboration avec Horne, Antony Ballas édite actuellement un recueil d'entretiens sur la vie et l'œuvre de l’historien militant. *** Iman Shaker (Dar al Janub) : Bonjour Dr Gerald Horne et merci beaucoup d’avoir accepté je vous joindre à nous pour ce webinaire. Gerald Horne : Merci de m’avoir invité Erica Caines (Black Alliance for Peace) : Gerald Horne est historien et militant politique. Il est titulaire de la chaire Moore d’histoire et d’études afro-américaines à l’Université de Houston. Il est l’un des auteurs les plus prolifiques de notre époque – j’ajouterais même qu’il est « l’historien du peuple ». Il a écrit plus de 40 livres sur un large éventail de questions, notamment l’internationalisme noir, les industries musicale et cinématographique, l’impérialisme, le colonialisme de peuplement et la suprématie blanche. Parmi ses derniers ouvrages, nous pouvons citer Revolting Capital : Racism and Radicalism in Washington, DC, 1900 to 2000 [un ouvrage analysant les luttes radicales et antiracistes à Washington tout au long du XXe siècle] et Acknowledging Radical Histories [une série d’entretiens avec l’universitaire Chris Steele, autour de l’œuvre de Gerald Horne]. Leonardo Moshe (PRTPA) : Dr Horne est également l’auteur de deux ouvrages dont la parution est prévue en 2024 : I Dare Say: A Gerald Horne Reader [une anthologie des travaux de Gerald Horne], qui sera disponible dans les semaines à venir, et Armed Struggle? : Panthers, Communists, Black Nationalists and Liberals Through the 1960s and 1970s [un ouvrage explorant les relations entre Black Panthers, communistes, nationalistes et libéraux en Californie dans les années 1960 et 1970]. Gerald Horne est également coproducteur de Freedom Now, une émission hebdomadaire panafricaine, internationaliste et anti-impérialiste diffusée sur KPFK 90.7 FM, tous les samedis à partir de 11 heures du matin (heure standard du Pacifique). L’émission est disponible sur kpfk.org ainsi que sur la chaîne YouTube de Activist News Network. Iman : Gerald Horne n'est évidemment pas étranger au sujet qui sera abordé aujourd'hui. En effet, lorsqu'il était président de la Conférence Nationale des Avocats Noirs (National Conferenceof Black Lawyers-NCBL) au milieu des années 1980, il était à l'avant-garde de la lutte anti-apartheid aux États-Unis. Et c'est dans ce contexte qu'il s’est fortement investi dans le mouvement de solidarité avec le peuple de Palestine, comme il le rappelle dans son livre intitulé White Supremacy Confronted : U.S. Imperialism and Anti-Communism vs. the Liberation of Southern Africa, from Rhodes to Mandela, dont nous citons des extraits ci-dessous : « À mesure que la collaboration d'Israël avec l'apartheid devenait de plus en évidente, la Conférence Nationale des Avocats Noirs (NCBL, pour son acronyme en anglais) a commencé à soulever des questions approfondies sur cet État colonial, ce qui a conduit à des réprimandes de la part de dirigeants noirs, à l’image de Vernon Jordan (futur banquier d'affaires) et Benjamin Hooks, un initié du Parti républicain qui dirigeait alors l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (National Association for the Advancement of Colored People, NAACP, en anglais). Ces derniers qualifiaient alors la solidarité avec les Palestiniens de « spectacle secondaire », tandis que la NCBL critiquait « la remarque de Hooks suggérant que les Noirs devraient laisser les affaires étrangères au Département d’État »; ce qui était l’essence même du marché ayant simultanément conduit à l’écrasement de [Paul] Robeson et au déclin du système Jim Crow, alors en pleine agonie. Il est intéressant de noter qu'à mesure que les Afro-Américains s'exprimaient plus vigoureusement sur la Palestine et sur la collaboration d'Israël avec le régime d’apartheid [en Afrique du Sud], les articles sur le prétendu "antisémitisme noir" se sont multipliés (bien que la véritable ferveur antijuive de Pretoria n'ait que rarement été évoquée dans la presse traditionnelle). »(P. 615-616) Nous allons maintenant passer à la première question, qui porte sur des événements plus récents, à savoir l'inculpation d'Israël par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ); un développement historique très profond. Dr Horne, pendant que nous étions en train de préparer ce webinaire, le gouvernement sud-africain a pris une décision qui a surpris beaucoup de monde ; à savoir l’inculpation de l’État d’Israël devant CIJ pour génocide contre les Palestiniens. Lors une interview accordée à Radio Sputnik, lors du programme Critical Hour, au début de ce mois, vous avez déclaré qu’il s’agissait d’un « développement historique profondément significatif. » Pourriez-vous expliquer ce que vous entendiez par-là? Gerald Horne : Merci. Ce que je voulais dire par là, c'est que, vous vous souviendrez que c'est en 1652 que des freebooters [flibustiers], des pirates et des exploiteurs en provenance des Pays-Bas, -d’ailleurs, beaucoup d’entre eux venaient de la Haye-, ont débarqué sur la pointe sud de l'Afrique pour coloniser cette terre. Et pourtant, voilà qu'en 2024, de nombreux descendants de ceux qui avaient été exploités à partir de 1652, étaient retournés à La Haye pour ordonner l’inculpation de l'État colonial connu sous le nom d'Israël, en raison de ses déprédations et de sa campagne génocidaire contre les habitants de Gaza. Nous savons tous, et vous l’avez rappelé en citant un passage de mon livre [White Supremacy Confronted], qu’Israël, avant 1994, était l’un des principaux soutiens du régime d’apartheid. Cela se produisait malgré le fait que lorsque l’État d’Israël a été créé vers 1947-1948, il était censé contribué à l’élévation du peuple juif à travers le monde. Mais d’une manière ou d’une autre, cela n’a pas empêché Israël de collaborer avec le régime d’apartheid, y compris en matière de collaboration nucléaire. Rappelons qu'Abba Eban [né en Afrique du Sud en 1915, diplomate et ministre des affaires étrangères d’Israël de 1966 à 1974,] était également l'un des principaux dirigeants de la communauté juive sud-africaine, avant 1994. Il s'est distingué, après 1967, en devenant notamment ministre des Affaires étrangères d'Israël. Il se rendait alors fréquemment aux États-Unis, contribuant ainsi à consolider les liens émergents entre l'impérialisme américain et l’État colonial d’Israël. Ce qui est encore plus curieux et remarquable dans cette relation entre le Israël, « l’État juif », et l’Afrique du Sud, c’est que l’une des ironies de l’apartheid sud-africain est qu’il était censé – comme je l’indique dans le livre que vous avez cité– un État suprémaciste blanc. Mais il n’était pas nécessairement coopératif et favorable à la communauté juive sud-africaine… En d’autres termes, c’était un État qui incarnait la ferveur anti-juive. Comme je le souligne dans le livre, si vous prenez l’exemple des États-Unis, ils ont bien mieux réussi à intégrer leur communauté juive dans les « salles sacrées de la blanchité », en particulier pendant la guerre froide. Au cours de cette période [la guerre froide], nous avons assisté à un retrait douloureux des aspects les plus horribles de la ferveur anti-juive, de la même manière que nous avons assisté au retrait douloureux des aspects les plus horribles de Jim Crow, dans un contexte de rivalité avec le camp socialiste. En effet, les États-Unis avaient du mal à gagner les cœurs et les esprits dans le cadre de la compétition avec Moscou et ses alliés tant que l’apartheid états-unien persistait. Cela a eu un impact particulièrement néfaste, en particulier sur la communauté noire. Cependant, l’Afrique du Sud [sous l’apartheid] n’avait pas réussi à atténuer la ferveur anti-juive, même si, comme nous le nous savons, il y avait des juifs sud-africains qui soutenaient le régime d’apartheid. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer l’homme responsable des poursuites et des persécutions judiciaires contre l’ANC [African National Congress- Congrès National Africain, parti de Neslon Mandela et des ses camarades], il y a plus d'un demi-siècle. [Il s’agit de Percy Yutar, procureur lors du procès de Rivonia, ayant condamné Neslon Mandela, Denis Goldberg et plusieurs de leurs camarades, à plusieurs décennies de prison] Ce matin, le New York Times a publié un article sur la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la CIJ à la Haye. Sur les 17 juges de la CIJ, 15 ont voté pour et 2 contre, pour réprimander l’État colonial [d’Israël] à cause de sa campagne génocidaire. Les juges ont estimé qu’un génocide était plausible. Certains observateurs suggèrent qu'en ordonnant à Israël d'augmenter l’assistance humanitaire à destination de la population palestinienne de Gaza « de manière efficace et constructive », la CIJ demandait une sorte de cessez-le-feu, même si, pour être tout à fait honnête, les juges n’ont pas explicitement appelé à un cessez-le-feu. Et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles le Département d’État américain prétend que cette opinion de la CIJ est en phase avec le point de vue de Washington. Le département d’État prétend qu'en n'appelant pas à un cessez-le-feu mais plutôt à une augmentation de l’assistance humanitaire, les juges concordaient fondamentalement avec la position actuelle de Washington. Toujours est-il que l’article que le New York Times a consacré à l’opinion de la CIJ et à cette affaire affirme qu’il avait beaucoup de Juifs, pendant la période de l'apartheid, qui étaient anti-apartheid, ce qui est vrai. Mais ensuite l’article va plus loin en prétendant que beaucoup de ces Juifs qui étaient prétendument anti-apartheid sont maintenant mécontents du fait que l'Afrique du Sud ait porté cette affaire devant la CIJ. C'était là une sorte de tour de passe-passe - comme un tour de magie - car les juifs sud-africains qui sont en colère contre le gouvernement sud-africain pour avoir porté cette affaire devant la CIJ sont les ancêtres et les descendants idéologiques de ceux qui ont coopéré avec l’apartheid; et non les ancêtres et descendants idéologiques de ceux qui se sont opposés à l’apartheid! Quoi qu’il en soit, ce qui est également remarquable dans cette affaire, c’est l’opinion de la communauté noire américaine. Beaucoup d'entre vous le savent déjà, et je l’ai d’ailleurs indiqué il y a quelques instants : afin de mieux rivaliser avec le camp socialiste dans les années 1950, il y a eu cette décision de se retirer des aspects les plus horribles du système Jim Crow [l’apartheid états-unien]. Mais, en contrepartie, les dirigeants internationalistes, dirigés par Paul Robeson – le regretté grand acteur et militant qui fut l’un des premiers et des plus vigoureux militants contre l'apartheid, à commencer par la fondation, en 1937, du Conseil des affaires africaines [Council on African Affairs-CAA] basé aux États-Unis,– ont été sacrifiés. En vertu de ce pacte avec le diable, beaucoup de nos « dirigeants » et organisations ont été réticents à s'exprimer sur les affaires internationales. Le passage de mon livre que vous avez cité, et qui aborde la manière dont la Conférence Nationale des Avocats Noirs a été réprimandée pour s'être prononcée sur la Palestine, est une preuve, parmi tant d’autres, de ce que suis en train de suggérer. C'était il y a quelques décennies, mais cette tendance s'est poursuivie jusqu'en 2024. Vous le voyez, par exemple, à travers les dirigeants de la communauté noire américaine de New York. A l’image du pasteur chrétien et commentateur de télévision, le très bien rémunéré Al Sharpton. Nous pouvons également citer Gregory Meeks (élu du sud-Est de Queens), un des leaders du parti démocrate, ancien président de la commission des affaires étrangères à la Chambre des Représentants, ou encore, Hakeem Jeffries, chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, pressenti comme futur président de la Chambre, et connu à Wall Street sous le nom de «Hakeem The Dream » [« Un rêve nommé Hakeem »] mais que beaucoup d’entre nous connaissons sous le nom de « Hakeem the Nightmare » [« Un cauchemar nommé Hakeem »]... Nous pouvons également citer le maire de New York, Eric Adams, qui est également d’origine africaine. Ils sont tous pro-israéliens! Mais je suis heureux de dire que ce n'est pas nécessairement le cas pour tous les dirigeants de la communauté noire; ce n’est pas nécessairement le cas de tous les membres noirs du Congrès américain et de la Chambre des représentants. Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est juste de dire que même si la communauté noire, dans son ensemble, a été, dans une certaine mesure, à l’avant-garde du mouvement de contestation contre cette campagne génocidaire à Gaza, il reste encore beaucoup à faire. Et maintenant, permettez-moi de tirer mon chapeau à la Black Alliance For Peace - qui est représentée dans ce panel- pour ce qu'elle a cherché à faire à propos du génocide à Gaza. Je vais donc m'arrêter là, pour le moment, en attendant la prochaine question. Iman : Merci professeur Gerald Horne. Avant d’analyser de manière plus approfondie les relations entre les mouvements de libération noire et la Palestine, nous aimerions commencer par une question sur les spécificités du sionisme en tant que projet de colonisation de peuplement. En tant qu'universitaire ayant beaucoup écrit sur le colonialisme de peuplement dans divers contextes (en Amérique du Nord, en Afrique orientale et australe, dans l’Asie-Pacifique), nous souhaiterions vous demander quelles sont, selon vous, les similitudes entre le colonialisme de peuplement sioniste et d'autres projets coloniaux de peuplement, par exemple en termes d’expulsion des habitants autochtones et de confiscation de leurs terres ? Quelles sont deux ou trois caractéristiques principales qui distinguent le sionisme de projets coloniaux de peuplement « classiques »? Gerald Horne : Eh bien, en ce qui concerne le colonialisme de peuplement en général, si vous prenez l’exemple de l'Amérique du Nord, [cela] implique, en premier lieu, une liquidation de la population autochtone. Si vous prenez la page 26 du livre que j’ai écrit sur le Texas [The Counter-Revolution of 1836 : Texas Slavery & Jim Crow and the Roots of U.S. Fascism] il y a quelques années, vous verrez que rien qu’au Texas, des douzaines de groupes indigènes, qui ont été dénommés « tribus » aux États-Unis, ont été liquidés. L’autre jour, je réfléchissais à la possibilité de porter plainte pour génocide contre les États-Unis devant la CIJ. Mais ensuite, j'ai commencé à me demander comment des groupes qui avaient été liquidés pouvaient porter plainte pour génocide alors qu’ils ont tous disparu. Peut-être qu’il y a une disposition, dans la Convention sur le génocide de 1948 que j’ignore et qui pourrait permettre d'intenter une action au nom d'un groupe ethnique anéanti? Ainsi, en Amérique du Nord, la population indigène a été liquidée. Ensuite, des Africains réduits en esclavage – c'est-à-dire des Africains kidnappés – ont traversé l'Atlantique pour être réduits en esclavage en Amérique du Nord, et en particulier pour contribuer à la culture du coton, qui a ensuite été transporté de l'autre côté de l'Atlantique, vers les usines de l'ancien maître colonial, c’est à dire la Grande-Bretagne. Si vous prenez l’exemple de l’Australie, ce qui s’est passé à partir de 1788 – et ce n’est pas une coïncidence puisque, dès 1788, la Grande-Bretagne avait perdu le contrôle de ses colonies au sud du Canada qui formèrent ensuite les États-Unis d’Amérique – et donc, Londres avait besoin d’un un autre territoire dans lequel elle pourrait déverser sa population pauvre, qui pourrait alors se transformer en colons et, avec un peu de chance et beaucoup de détermination, devenir elle-même des exploiteurs. Ainsi, après la perte de ces colonies nord-américaines, Londres a commencé à envoyer ces colons, dont beaucoup étaient irlandais d’ailleurs, ce qui est plutôt ironique étant donné que, dans un certain sens, on pourrait appeler l’Irlande la première colonie de l’Angleterre. Quoi qu’il en soit, en arrivant en Australie vers 1788, ils commencèrent à liquider la population indigène d’Australie et/ou à la chasser de ses terres. Si vous prenez l’exemple de l'Afrique du Sud, à partir de 1652, comme je l’ai déjà indiqué, il y avait principalement les Néerlandais, qui ont été rejoints, à partir du XVIIe siècle, par des protestants français expulsés par l’élite catholique. C'est pourquoi vous retrouvez des noms de famille à consonance française, comme « Duplessis » , dans la communauté dite « Afrikaner ». Et ces deux groupes [Néerlandais et Huguenots, protestants français] commencent alors à liquider la population indigène et à la chasser de ses terres. En revanche, ils étaient particulièrement déterminés à exploiter le travail de la population indigène, ce qui, bien sûr continue, dans une certaine mesure, encore aujourd’hui. Si vous prenez l’exemple de la Palestine historique, ce qui s’est passé, à la fin du 19e siècle, c’est la montée du mouvement sioniste tel qu’expliqué par Théodore Herzl ; l’idée était que la ferveur anti-juive, communément appelée antisémitisme, ne pouvait pas être éradiquée. Cet antisémitisme a été alimenté, par exemple, par l’affaire Dreyfus en France, où un officier militaire français avait été accusé de trahison et il se trouve qu’il était juif. Il y a eu des pogroms contre la population juive dans toute l’Europe, particulièrement en Europe de l’Est, notamment en Pologne et dans la Russie tsariste (la Russie d’avant la révolution d’octobre1917). Mais ce qui est curieux dans le projet sioniste, c'est qu'au moment même où Théodore Herzl affirmait que la ferveur anti-juive ne pouvait être éradiquée, il y avait des migrants juifs aux États-Unis qui effectuaient leur entrée dans les salles sacrées de la blanchité, c'est-à-dire, ce qu'on appelle l'identité américaine blanche. Et il s’agit là d’une tendance de long terme, remontant aux années 1500, et sur laquelle je pourrais revenir, si le temps nous le permet. En 2024, beaucoup d’entre eux se retrouvent aux plus hauts niveaux de la classe dirigeante américaine, y compris des milliardaires (en dollars américains). Cela ne veut pas dire que la ferveur anti-juive a été complètement éradiquée aux États-Unis d'Amérique, et je pourrais faire une digression sur ce point, si cela vous intéresse. Mais nous pouvons affirmer que ce que proclamait Theodore Herzl était sapé et contredit au même où il écrivait ou faisait ses déclarations. C’est-à-dire que les États-Unis démontraient, qu’à travers les moyens diaboliques de la suprématie blanche, il était possible de convertir les Juifs Américains en « Américains blancs », leur permettant ainsi de gravir les échelons de classe. Ainsi, nous constatons également qu'avec la Première Guerre mondiale, la Turquie, la puissance colonisatrice historique en Palestine historique et dans une bonne partie du monde arabe, s’est retrouvée du côté des perdants, ce qui a conduit les vainqueurs, la Grande-Bretagne et la France en particulier, à se tailler la part du lion sur le territoire ottoman, comme s’il s’agissait d’un dîner festif. Et Balfour, un dignitaire britannique, fait une déclaration sur un soi-disant « foyer juif ». Le désir pour ce foyer juif s’intensifie avec l'Holocauste, perpétré par l’Allemagne dans les années 1930 et 1940. Et [à partir de ce moment], des réfugiés juifs vont affluer vers la Palestine historique, ce qui conduit, bien sûr, à cette résolution des Nations Unies censée créer deux États, même si, à ce jour, un seul État a vu le jour; l’«État juif ». Mais ce qui est intéressant, c’est qu’en 2023, malgré le déplacement massif de réfugiés palestiniens, trop nombreux pour être comptés, depuis des villes comme celle que nous appelons Haïfa en particulier; là aussi, comme en Afrique du Sud, il y a eu une forte exploitation de la main-d’œuvre palestinienne. En fait, l'un des problèmes auxquels l'économie israélienne est confrontée depuis le 7 octobre c’est que, en raison du fait que les Palestiniens sont devenus des boucs émissaires et qu’ils sont considérés, en tant que groupe, comme responsables de ce qui s'est passé le 7 octobre, les travailleurs palestiniens, par exemple ceux de Cisjordanie, ne sont plus autorisés à travailler en Israël. Et donc ce qui s'est passé récemment, c'est que le Premier ministre indien Modi a autorisé l'envoi de travailleurs indiens en Israël pour remplacer ces travailleurs palestiniens. Il est intéressant de noter que le Malawi, voisin de l’Afrique du Sud, a également permis aux Malawites de combler le déficit de main-d’œuvre. Mais en résumé, et pour répondre sur le fond, mon opinion est que parmi tous ces régimes coloniaux, ironiquement, les États-Unis d’Amérique sont allés plus loin en termes de liquidation de la population autochtone. En outre, et il s’agit d’un sujet connexe, les États-Unis d’Amérique sont allés plus loin que, disons, l’Afrique du Sud, en essayant d’intégrer la population juive aux plus hauts niveaux de la société, y compris la classe dirigeante. Et bien sûr, beaucoup de ces milliardaires juifs ont un impact très préjudiciable sur la politique américaine aujourd’hui. Des présidents d'université sont maltraités [à l’image de Claudine Gay de Harvard] parce qu’ils ne sont pas suffisamment enthousiastes à l'égard du génocide à Gaza, et contribuent ainsi à placer un tabou sur les groupes pro-palestiniens... En fait, à l'Université Columbia à New York, l'autre jour, il y a eu une attaque chimique contre des manifestants pro-palestiniens sur ce campus basé à Manhattan, à New York. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Voilà une illustration des positions extrêmes que le lobby pro-israélien va adopter pour réprimer et restreindre le soutien à la juste cause des Palestiniens. Donc, en résumé, je dirais qu’en en ce qui concerne le colonialisme de peuplement, il s’est traduit, jusqu’à présent, par l’envoi d’Européens dans des contrées lointaines ; la communauté juive européenne dans le cas d’Israël. Même si, bien sûr, il fut un temps où il était question d’imposer une sorte de colonialisme de peuplement dans la Mandchourie d'avant 1945, dans l’actuelle Chine, sous l’impulsion du Japon impérial. Et je dois également ajouter qu’il y a eu des différences dans les processus de colonisation de peuplement, en particulier en termes d’extermination de la population indigène et d’exploitation de la main d’œuvre indigène. Et, bien sûr, puisqu’on parle de colonialisme de peuplement, j’aurais pu parler du Canada et des différences entre le colonialisme de peuplement au Canada et le colonialisme de peuplement aux États-Unis. L'une des différences est qu’au Canada, des esclaves ont également été importés, mais dans des proportions largement inférieures à celles que l’on trouvait de l’autre côté de la frontière sud. Je pourrais parler également du colonialisme de peuplement en Nouvelle-Zélande, qui est un exemple instructif. En effet, ce voisin de l’Australie, situé de l'autre côté de la mer de Tasman, et qui compte une population relativement petite de cinq à six millions d'habitants, est généralement perçue comme plus progressiste que son voisin, c’est à dire l'Australie. Et l’une des raisons est que la population indigène de Nouvelle-Zélande – et c’est essentiel – était formée de très bons combattants; ils étaient très habiles, notamment dans la guerre des tranchées. Ainsi, malgré les tentatives répétées de liquidation de cette population, celle-ci n'a pas eu lieu au même degré qu'elle a eu lieu de l'autre côté de la mer de Tasman, en Australie. De même, en ce qui concerne les tentatives de déplacement, qui ont été l'alpha et l'oméga du colonialisme de peuplement, leur déplacement n'a pas eu lieu dans la même mesure que de l’autre côté de la mer de Tasman. C'est pourquoi, en Nouvelle-Zélande aujourd'hui, vous avez une population autochtone, une population maorie qui représente environ 15 à 20 % de la population totale. Il est intéressant de noter qu’au fil des décennies, des efforts ont été déployés pour faire de la Nouvelle-Zélande un pays bilingue. Je me souviens que lors de ma visite là-bas, j'ai remarqué que les archives d'État de Nouvelle-Zélande étaient rédigées en anglais et dans la langue indigène [Aotearoa]. Cependant, vous avez maintenant un gouvernement de droite en Nouvelle-Zélande qui est déterminé à revenir sur les progrès réalisés par la population autochtone au fil des décennies. Je m’attends donc à une sorte d’explosion sociale en Nouvelle-Zélande, très prochainement… Pour revenir aux États-Unis, prenons l’exemple d’Hawaï, qui, j'en suis sûr, a dû vous venir à l'esprit… Comment se fait-il que ce territoire qui se trouve à plus de 3 200 km à l'ouest du continent nord-américain, fasse partie des États-Unis d'Amérique? Eh bien, dans les années 1890, après avoir contribué à liquider un bon nombre de populations indigènes sur en Amérique du Nord, l’impérialisme américain entre dans une nouvelle phase et tourne alors son attention vers l’ouest, vers Hawaï, qui, à l’époque, avait un régime assez sophistiqué. Par exemple, les Hawaïens avaient accès à l’électricité et au téléphone, bien avant de nombreux habitants d’Amérique du Nord. Le problème, c’était la géographie. C’est-à-dire qu’à partir des années 1870, les dirigeants hawaïens avaient commencé à tenter de conclure un accord avec le Japon. Aujourd’hui encore, une majorité de la population d’Hawaï est d’origine japonaise, et cela a été perçu, dirons-nous, négativement par Washington, ce qui a conduit au renversement du royaume d’Hawaï dans les années 1890; un prélude à la guerre menée par les États-Unis contre l’Empire espagnol alors chancelant, ce qui lui a permis de s’emparer des Philippines, de Cuba et de Porto Rico. Cela conduira plus tard ensuite à une confrontation avec Tokyo, qui poussera le Japon à bombarder Hawaï en 1941, déclenchant ainsi la guerre du Pacifique. Mais ce qui est intéressant à propos d'Hawaï, jusqu'à nos jours, c'est qu'environ 10 à 15 % de la population de l'archipel est d'ascendance indigène hawaïenne. Ce qui signifie qu’à Hawaï, la taille de la population indigène est équivalente à celle de la population dite « blanche »; la population d'ascendance européenne ou, pour reprendre le terme de la langue hawaïenne, la population « Haole ». Sans surprise, c’est à Hawaï que se trouve le mouvement le plus avancé pour le retour du leadership autochtone hawaïen, et pourquoi pas de la souveraineté hawaïenne ; ce qui pourrait changer la donne, si jamais un tel changement se produisait… Voilà, en somme, un bref résumé des différences entre les colonies de peuplement. Erica : Merci beaucoup pour cet excellent exposé sur le contexte historique. Je pense que c'était nécessaire. A présent, je souhaiterais pivoter légèrement. Historiquement, plusieurs dirigeants des mouvements de libération noire et panafricains ont exprimé une sorte d’admiration ou de soutien au projet sioniste à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, bien avant la création de l’État d’Israël. A titre d’exemple, nous pouvons citer : - Edward W. Blyden qui, dans un article sur ''La question juive'' publié en 1898, a qualifié le sionisme de ''merveilleux projet'' qui devait inspirer les Noirs/Africains. - Marcus Garvey, parfois qualifié de "Moïse noir", et dont l’idéologie était qualifiée de "sionisme noir." En 1919, Marcus Garvey déclarait, lors d’un rassemblement de membres de l'UNIA (Universal Negro Improvement Association), -organisation qu’il a fondée, et une des plus grandes organisations noires de tous les temps- : "Vous vous rendrez compte que l'Universal Negro Improvement Association n'est pas une plaisanterie. C'est un mouvement sérieux. Il est aussi sérieux que le mouvement irlandais pour une Irlande libre; aussi sérieux que la détermination des Juifs à récupérer la Palestine." - La même année, W.E.B Dubois, l'un des pères fondateurs du panafricanisme, mais féroce rival de Marcus Garvey à l'époque, écrivait dans The Crisis, journal de la NAACP que "le mouvement africain représente pour nous ce que le mouvement sioniste doit représenter pour les Juifs : la concentration du travail racial et la reconnaissance de l'existence d'une source raciale." Rétrospectivement, ce soutien ou cette admiration pour le sionisme peut sembler d'autant plus étonnant que l'Afrique, en particulier l’Ouganda, a été considérée, à un moment donné, comme la terre où le projet colonial sioniste pouvait se réaliser. Mais à l'époque, le soutien au projet sioniste était fondé sur une identification des Noirs à la souffrance du peuple juif, en particulier les Juifs d’Europe. Dans ce contexte, comment le sionisme a-t-il servi de modèle de libération des Noirs? D’autre part, 1967 est généralement considérée comme un moment décisif dans le soutien des Noirs à la Palestine. Pourriez-vous parler de l’importance de ces événements, avant 1967, sur la perception d’Israël et du sionisme chez les Noirs qui soutenaient les luttes d’indépendance en Afrique et au Moyen-Orient? Gerald Horne : Eh bien, merci pour cette question. Lorsque vous avez mentionné l'Ouganda, j'ai pensé à la juge qui était en désaccord avec le reste de la CIJ. Il se trouve que cette juge est de nationalité ougandaise. Dans un premier temps, j’ai pensé qu’elle avait exprimé son désaccord parce qu’elle aurait souhaité que la Cour aille encore plus loin que la majorité des juges ayant voté (15 pour, 2 contre). Mais ensuite, je me suis rendu compte que mon hypothèse était inexacte. Et apparemment, elle [la juge ougandaise] a été réprimandée par le président Museveni et son régime à Kampala. Et il sera intéressant de voir ce qui se passera à son retour en Ouganda… Pour en revenir à votre question, je pense que nous pouvons affirmer, comme vous l’avez suggéré, qu'il y avait une compassion considérable pour les masses juives qui souffraient, en particulier en Europe de l'Est, victimes de pogroms. D’ailleurs ces programmes ressemblaient beaucoup aux soi-disant « necktie parties », dont les noirs américains étaient victimes. Il s’agissait de séances de lynchages de Noirs américains au cours desquels ceux qui étaient définis comme « blancs » transformaient l'occasion en une sorte de festival : des trains étaient spécialement affrétés pour se rendre sur les lieux ; les victimes, souvent attachées à un arbre, étaient ensuite découpées ; leurs doigts déchiquetés, excisés et on les retrouvait parfois sur les étagères des cuisines dans les foyers d’Américains « blancs ». Les similitudes, du moins telles qu’elles étaient perçues entre les pogroms et ces lynchages, ont engendré une compassion considérable envers la population juive. Et, comme vous l'avez suggéré, une compassion exprimée par Blyden, par Garvey, etc. Et je pense que nous pouvons également affirmer qu’historiquement, il existe, grosso modo, trois courants idéologiques parmi les Noirs Américains. Bien sûr, ces tendances ont connu plusieurs évolutions (tantôt en s’accentuant, tantôt en s’atténuant) au fil des décennies, en particulier au XXe siècle. Vous avez ainsi un courant nationaliste, représenté par Blyden et Garvey, au moins avant, disons, 1956. En effet, 1956 constitue un autre tournant historique, car c’est l’année où Israël s’associe à la Grande-Bretagne et à la France pour attaquer l'Égypte de Nasser en vue de prendre le contrôle du canal de Suez. A partir de 1956, la Nation of Islam, comme on l’appelle aujourd’hui, s’est retournée contre Israël, notamment sous l’impulsion de son étoile montante et porte-parole de l’époque, Malcolm X. Il est d’ailleurs intéressant de noter que beaucoup des dirigeants de la Nation of Islam avait été emprisonnés pendant la seconde guerre mondiale en raison de leurs positions pro-Tokyo. Et, bien sûr, nombre de leurs compagnons de route s’identifiaient tellement au Japon, qu’ils ne se considéraient non pas comme des descendants d’ « Africains » mais plutôt des descendants d’ « Asiatiques ». Toujours est-il que jusqu’en 1956, comme vous l’avez suggéré, il y avait une compassion considérable au sein de la communauté nationaliste noire pour le sionisme. Beaucoup d’entre eux se considéraient comme marchant sur les traces du sionisme et désiraient une sorte de foyer [noir]. D’ailleurs, dans ma litanie sur le colonialisme de peuplement, j'aurais pu inclure le Libéria, l'État africain indépendant en Afrique de l'Ouest, créé par des éléments pro-esclavagistes en Amérique du Nord, il y a environ 200 ans, comme dépôt ou réceptacle pour les Noirs non-esclaves. Nombreux étaient ceux qui, en Amérique du Nord, souhaitaient que les Noirs y soient expulsés. Bien sûr, leurs rencontres souvent brutales avec la population indigène du Libéria, en particulier les Krus, constituent l'un des épisodes les moins glorieux de l'histoire afro-américaine… Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne le nationalisme noir, il y avait de l’empathie pour le projet sioniste ; le Libéria étant considéré, notamment par Garvey, comme une sorte d’exemple à suivre pour les Noirs américains... Et puis il y avait un courant de gauche, incarné par Paul Robeson et W.E.B Du Bois, qui étaient tous les deux très favorables à la formation de l’État d’Israël vers 1947-1948. Une des explicitations [de ce positionnement] réside dans le fait que le camp socialiste, en particulier l’Union soviétique, a reconnu très tôt Israël. Comme vous le savez, puisque vous vivez aux États-Unis, il existe un discours très énergique dénonçant l’Union Soviétique et dénonçant Joseph Staline, leur chef, mais d’une manière ou d’une autre, le soutien de Staline et de Moscou à la création de l’État d’Israël n’entre jamais dans cette conversation... En outre, vous devez savoir qu’avant le déclin de Jim Crow, l’apartheid états-unien, à partir des années 1950, il existait une sorte d’alliance entre des Juifs Américains radicaux et des Noirs Américains radicaux dans les rangs du parti communiste américain. Et, bien sûr, avec le déclin de Jim Crow dans les années 1950, on assiste de manière simultanée au déclin des aspects les plus horribles de la ferveur anti-juive. Ce processus a débouché sur le départ de nombreux Juifs Américains des rangs du Parti communiste américain, du radicalisme et du libéralisme, dans lequel beaucoup d’entre eux continuent d’évoluer. D’autre part, beaucoup de membres de la gauche noire, au moins jusqu'en 1947-1948, étaient plutôt favorables au projet sioniste, leur position était influencée par Moscou et par les horreurs de l'Holocauste, etc. Enfin, il y avait le courant libéral, qui a connu son apogée – et je suppose que l’on pourrait même dire que cette apogée se poursuit encore de nos jours- disons, à partir de 1954, lorsque les États-Unis ont commencé à renoncer officiellement à la suprématie blanche en tant que système parrainé par l’État [décision de la cour suprême des Etats-Unis, Brown v. Board of Éducation, rendant illégale le système de ségrégation raciale]. D’ailleurs, cette année, nous célébrons les 70 ans de cette décision historique de la Cour suprême américaine. Les libéraux noirs étaient bien évidemment favorables à Israël et au sionisme, en dépit des horreurs des guerres de 1956, 1967 et 1973. Même jusqu’à aujourd’hui ; ils sont restés relativement muets – et c’est le moins qu’on puisse dire-, en ce qui concerne les déprédations actuellement perpétuées dans la Palestine historique. Ils se cachent sous leur bureau lorsque des journalistes militants sollicitent leurs commentaires sur la guerre d’agression israélienne... Cependant, et il s’agit là d’un sujet qui fait l’objet d’une attention croissante dans la recherche universitaire, je ne pense pas que l’on puisse comprendre ce qui précède - ce que je viens de dire à propos de la relation entre les Noirs Américains et les Juifs Américains-, sans comprendre la relation entre les Noirs Américains et les Américains d’origine arabe, en particulier, à partir de 1860, lorsque des troubles massifs ont éclaté dans ce qui est aujourd'hui la Syrie. À partir de cette date, on assiste à un exode massif de populations d’origine arabe vers les Amériques ; et pas seulement vers les États-Unis d’ailleurs. A la fin du XIXe siècle par exemple, il y avait plus d’Arabes qui immigraient vers l’Argentine que vers les États-Unis. Vous avez probablement entendu parler de Carlos Menem, l'ancien président de l'Argentine, qui, bien sûr, était d'origine arabe. Souvent, les relations entre les Arabes Américains et les Noirs Américains n’étaient pas idéales, et c’est le moins que l’on puisse dire… Ce que je veux dire par là, c’est que les États-Unis étaient un régime d’apartheid dans lequel la citoyenneté était attribuée sur la base de l’identification en tant que « blanc ». De plus, la « blanchité », telle qu’elle avait été conçue, était , dans une certaine mesure, fortement imprégnée d’anti-noirceur, et en particulier l’hostilité envers les descendants d’esclaves africains aux États-Unis. Comme vous le savez sans doute, l’esclavage a été aboli en 1865 aux États-Unis, sans que les esclavagistes ne reçoivent aucune forme de compensation. Vous savez que, lorsque Haïti a aboli l'esclavage en 1804, Haïti a été obligée de payer des réparations aux anciens esclavagistes à partir des années 1820 ; ce qui a paralysé l'économie d'Haïti jusqu'à aujourd'hui, puisqu'ils ont dû s’endetter pour payer les réparations aux esclavagistes français. Lorsque l’esclavage fut aboli dans les Caraïbes britanniques (Jamaïque, Barbade, Trinité-et-Tobago, dans ce qui est aujourd’hui la Guyane, etc.,) Londres chercha alors à indemniser les esclavagistes pour compenser la perte de leur investissement. En fait, ils ont continué à indemniser les descendants de ces esclavagistes jusqu’en 2015, il y a à peine une dizaine d’années… Aux États-Unis, les esclavagistes ont été expropriés sans compensation; ce qui a bien sûr plongé une grande partie des familles des esclavagistes dans la pauvreté et a également engendré une hostilité féroce à l'égard de leurs anciens investissements, c’est-à-dire mes ancêtres… Alors, que se passe-t-il lorsque ces Arabes Américains commencent à arriver sur ces côtes? Eh bien, étant donné que la citoyenneté états-unienne est basée sur la « blanchité », de nombreux Arabes Américains entament des procédures judiciaires et font pression pour être considérés comme des membres de la « communauté blanche ». Et ces efforts seront partiellement couronnés de succès. Il y a par exemple un livre de Sarah M. A. Gualtieri intitulé Between Arab and White, publié aux presses universitaires de l’Université de Californie en 2009, qui analyse de ce processus. Et, comme le titre le suggère, la population arabo-américaine n’était pas tout à fait « blanche », mais dans l’ordre hiérarchique racial américain, elle se trouvait certainement au-dessus de la communauté noire. Par conséquent, nombre d’entre eux se sentaient obligés d’adhérer, dans une certaine mesure, à l’anti-noirceur. Cela a évidemment compliqué et complexifié les relations entre les Arabes Américains et les Noirs Américains. Il faut toutefois préciser, et c’est assez intéressant, que dès 1917, lorsque la Déclaration Balfour promettant un foyer juif en Palestine historique avait été promulguée, des Arabes Américains ont organisé plusieurs manifestations. Il n’y a pas de documents indiquant qu’ils ont été rejoints, dans leurs protestations, par des Noirs Américains. Mais cela ne me surprend pas, compte tenu de la relation préexistante entre Noirs Américains et Juifs Américains que nous avons décrite plus haut, mais aussi parce de nombreux Arabes-Américains cherchaient à se faire admettre dans les salles sacrées de la blanchité… Comme vous le savez probablement, ce processus a été accéléré, dans une certaine mesure, par le fait qu'il y avait une proportion importante de chrétiens libanais ou syriens, qui traversaient l'Atlantique. Et les croyances religieuses de ces derniers ont contribué à accélérer leur intégration dans le monde des salles sacrées de la blanchité. Pensez à Ralph Nader, l'éminent homme politique et militant, aujourd’hui très âgé, qui est d’origine chrétienne libanaise. Pensez à Casey Kasem, qui était très populaire à la télévision américaine, il y a quelques années, comme guide de musique populaire pour adolescents. Aujourd'hui encore, pensez à Hoda Kotb, qui est l'une des animatrices de télévision les plus populaires aux États-Unis. Elle anime une émission télévisée tous les matins aux États-Unis avec Jenna Bush, la fille de l'ancien président George W. Bush ! Kotb est d’origine égypto-copte et, bien sûr, elle est définie comme « blanche ». Vous pouvez aussi prendre l’exemple de la femme que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « reine Noor » de Jordanie, anciennement connue sous le nom de Lisa Halaby. Eh bien, son père, Najeeb Halaby, était d’origine arabe et il est devenu membre de la classe dirigeante américaine. Il était à la tête de la défunte compagnie aérienne Pan-American Airways, qui, à son époque, était le principal transporteur international des États-Unis d'Amérique. Ainsi, en raison de la position raciale et de classe de nombreux membres de la communauté arabe aux Etats-Unis, les Noirs Américains pouvaient difficilement les percevoir comme des membres d’une communauté exploitée en Palestine historique. En effet, du point de vue des Noirs Américains, il s’agissait de personnes qui avaient été intégrées dans les salles sacrées de la blanchité, comme beaucoup de Juifs Américains avant eux. Comme beaucoup de Juifs Américains, nombreux étaient les Arabes Américains qui étaient disposés à payer le « prix du ticket », pour reprendre l’expression de feu James Baldwin, en s’engageant dans l’anti-noirceur, par exemple. Bien sûr, comme vous l’avez suggéré, 1967, l’année de la guerre dite « des Six Jours » a été un tournant. À ce moment-là, aux États-Unis, on assiste à la montée ou à l’efflorescence, devrais-je dire, d’une tendance nationaliste noire incarnée par un homme autrefois connu sous le nom de Stokely Carmichael (qui deviendra Kwame Toure), par le parti des Black Panthers; [un courant nationaliste] qui exprimera sa solidarité envers les les Palestiniens et les Arabes pendant la guerre des Six Jours. Ce qui leur a valu, bien sûr, des critiques acerbes, de la part de nombreuses personnes aux États-Unis... Cette tendance s’est poursuivie en 1973, puis en 1978-1979, notamment lors de l’affaire Andrew Young. En effet, Andrew Young, ancien assistant de Martin Luther King, ancien maire d'Atlanta et ancien membre du Congrès élu d’Atlanta (dans l’État de Géorgie), avait été nommé par le président des États-Unis de l'époque, Jimmy Carter, au poste d'ambassadeur des États-Unis aux Nations-Unies. Suite à une réunion soi-disant « non autorisée » avec des dirigeants de l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine), Young a été limogé. Mais cela n’a pas poussé le courant libéral noir, dont Andrew Young était l’incarnation par excellence, à tourner le dos au sionisme. En revanche, le courant libéral noir a débouché sur Jessie Jackson, ancien camarade de Young -les deux sont d’ailleurs toujours vivants- qui a essayé de nouer des relations avec l’OLP et la population d’origine arabe en général. Et je dirais que ce type de démarche de la part du révérend Jackson a eu un impact positif sur les relations entre Noirs et Arabes, en particulier dans des endroits comme Détroit et Dearborn, dans le Michigan, où il y a une forte concentration d'Arabes-Américains. Et, bien sûr, ces derniers temps, ils font la une des journaux car ils ont juré de faire battre Joe Biden. Voici, donc, un bref résumé qui, je l’espère, contribuera à éclairer votre lanterne. Dans un article intitulé "Why Affirmative Action is White", Bakari Lumumba explique :
"Le passé des Noirs nous enseigne que les périodes de progrès racial en Amérique, qu'elles soient réelles ou perçues comme telles, sont suivies de périodes de repli racial. Par exemple, l'ère de la reconstruction (1865-1877) a abouti au nadir des relations interraciales, le mouvement des droits civiques (1954-1968), auquel a succédé l'accent mis par l'administration Nixon sur la loi et l'ordre, et l'élection historique de Barack Obama en tant que premier président noir de la nation, qui a culminé avec la résurgence des groupes de haine nationalistes blancs (WNHG); une recrudescence de la violence des justiciers blancs (George Zimmerman, Michael Dunn) et des exécutions extrajudiciaires d'Afro-Américains (Sandra Bland, Tamir Rice, George Floyd, etc.) à un rythme qui rivalise avec le premier nadir. Cette résurgence des actes de violence organisés à l'encontre des Afro-Américains et la montée du racisme anti-Noirs sont sans doute dues à la progression perçue des personnes de couleur en Amérique. Les efforts réactionnaires des Américains blancs pour sauvegarder leur statut social présumé menacé sont nés de leur perception d'un écart entre leur statut social attendu et réel et leur pouvoir, ce qui les a amenés à éprouver du ressentiment à l'égard des dispositions sociales actuelles." Dans son article, M. Lumumba explique que le récent arrêt de la Cour suprême sur l'Affirmative Action s'inscrit dans cette tradition de réaction raciste contre la perception du progrès des Noirs aux États-Unis. Comme l'a fait remarquer M. Lumumba, le premier exemple de cette tradition dans l'histoire américaine est l'ère de la Reconstruction. L'ère de la Reconstruction est une période de l'histoire américaine qui a duré de 1865 à 1877. C'est une période de grands changements sociaux, politiques et économiques, alors que le pays tente de se reconstruire après la guerre civile. L'ère de la Reconstruction a été une période de grands espoirs et de promesses pour les Afro-Américains, qui ont enfin eu la possibilité de participer au processus politique et de jouir de certains des droits et libertés fondamentaux qui leur avaient été refusés pendant si longtemps. La guerre de Sécession a été le conflit le plus sanglant de l'histoire des États-Unis, avec plus de 620 000 Américains tués. La guerre a eu un impact profond sur le pays, tant en termes de destruction physique que de conséquences sociales et politiques. Le Sud a été laissé en ruines, avec de nombreuses villes détruites et une économie en ruine. La fin de la guerre a également marqué le début d'une nouvelle ère dans l'histoire américaine, une ère qui serait définie par la lutte pour les droits civiques et l'égalité raciale. Les politiques de reconstruction mises en place après la guerre civile ont eu un impact significatif sur le pays. L'une des politiques les plus importantes a été l'adoption du 13e amendement à la Constitution, qui a aboli l'esclavage sur l'ensemble du territoire des États-Unis. Il a été suivi par l'adoption des 14e et 15e amendements, qui ont accordé la citoyenneté et le droit de vote aux Afro-Américains. Les politiques de la Reconstruction ont également conduit à la création du Freedmen's Bureau, qui a fourni des services d'éducation, de santé et autres aux esclaves nouvellement libérés. Les politiques de la Reconstruction visaient à aider les Afro-Américains à atteindre l'égalité et à reconstruire le Sud, mais elles se sont heurtées à une opposition farouche de la part de nombreux Sudistes blancs. Les Afro-Américains ont joué un rôle essentiel dans le succès de la Reconstruction. Ils ont été élus à des fonctions politiques dans tout le Sud et nombre d'entre eux ont été délégués aux conventions constitutionnelles des États. Les politiciens afro-américains ont joué un rôle clé dans l'adoption de nouvelles lois et politiques qui ont contribué à la reconstruction du Sud et à la promotion de l'égalité raciale. Cependant, le succès des politiciens afro-américains a été de courte durée, car la montée du Ku Klux Klan et d'autres groupes suprémacistes blancs a conduit à l'intimidation et à la violence contre les Afro-Américains. Le Klan a utilisé des tactiques de terreur pour empêcher les Afro-Américains de voter et d'occuper des fonctions politiques, et de nombreux Afro-Américains ont été contraints de fuir leurs maisons et leurs communautés. L'histoire de l'ère de la Reconstruction est instructive pour comprendre la réalité selon laquelle les progrès des Afro-Américains se sont toujours traduits par une réaction raciste en Amérique. Tel est le schéma général depuis 1877. C'est dans ce contexte que l'attaque contre la discrimination positive (affirmative action) peut être comprise comme une attaque contre un programme qui a donné aux Afro-Américains un avantage perçu, même si les chiffres montrent que les femmes blanches ont été les plus grandes bénéficiaires de la discrimination positive (affirmative action). La simple perception que les Afro-Américains progressent ou obtiennent des avantages suffit à provoquer une réaction raciste. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/the-racist-backlash-against-black-progress-8f99365ccbbb La question de l'appropriation culturelle dans la musique rap découle de la perception selon laquelle de nombreux Blancs qui deviennent rappeurs ont peu de respect pour l'histoire et la culture qui sous-tendent la musique rap. C'est ce qui s'est passé en 2014 lorsque Q-Tip a tenté de donner une leçon de hip-hop à la rappeuse blanche Iggy Azalea sur Twitter. Elle a répondu en déclarant : "C'est condescendant de supposer que je n'ai aucune connaissance de quelque chose qui m'influence, mais j'ai aussi grandi avec des étrangers qui supposent cela." Certains pensent qu'Iggy utilise le hip-hop et la culture noire comme un moyen de gagner de l'argent, mais elle ne respecte pas la tradition qu'ils représentent et ne s'en préoccupe pas.
Cela m'amène à parler d'Eminem, qui est l'un des rappeurs ayant connu le plus grand succès commercial dans l'histoire du genre. Il a également réussi à gagner le respect de nombreuses icônes du genre, comme Rakim, qui a déclaré qu'Eminem était l'un de ses MCs préférés. De nombreux fans n'ont cependant pas été impressionnés par le succès d'Eminem dans l'industrie. Stereo Williams a écrit : "Depuis que les Beastie Boys sont devenus multiplatines, de nombreux commentateurs attendent avec inquiétude que le hip-hop soit détourné pour des raisons raciales, qu'un Elvis Presley émerge et arrache soudainement l'image de la musique aux artistes et aux fans noirs. Le hip-hop est un genre musical vieux de 40 ans, qui constitue une industrie mondiale depuis presque aussi longtemps, et il y est parvenu principalement en commercialisant en masse des visages noirs. Mais nous devons comprendre que le détournement a déjà eu lieu. C'est juste qu'il n'a pas vraiment ressemblé à ce qui est arrivé au rock and roll après 1955. Le succès d'un Eminem est un indicateur d'une vérité séculaire - la préférence du public et de l'industrie blancs pour les visages blancs qui vendent l'esthétique noire - mais c'est aussi une preuve de la façon dont ce préjugé racial a façonné les commentaires et la canonisation du hip-hop. Eminem est considéré comme l'un des artistes les plus importants de l'histoire du genre, même si ses albums n'ont pas autant défini le genre que nombre de ses pairs, et que sa musique n'a qu'une influence marginale par rapport à celle de Rakim, 2Pac, Jay-Z ou Kanye. Il est surtout important pour avoir offert aux fans blancs un point d'entrée crédible dans le genre." Ce que Williams voulait dire, c'est que le succès commercial d'Eminem est largement lié au fait qu'il est blanc et qu'il fait appel au désir du public blanc de voir un visage blanc dans un genre qui a été traditionnellement dominé par les Noirs. La question de la race d'Eminem est revenue sur le tapis l'année dernière lorsqu'il a été annoncé qu'Eminem serait intronisé au Rock and Roll Hall of Fame. Le problème que certains ont soulevé est qu'Eminem a été intronisé avant de nombreux pionniers noirs du genre qui l'ont précédé. La race est également devenue un élément central de la querelle entre Nick Cannon et Eminem lorsque Cannon a sorti une chanson critiquant les paroles racistes d'Eminem sur les femmes noires. Les paroles proviennent d'une ancienne chanson d'Eminem dans laquelle il rappe "les filles noires sont stupides et les filles blanches sont de bonnes nanas". Cette chanson a été révélée par The Source. Eminem a publié une déclaration dans laquelle il explique : "La cassette... est quelque chose que j'ai fait sous le coup de la colère, de la stupidité et de la frustration quand j'étais adolescent. Je venais de rompre avec ma petite amie, qui était afro-américaine, et j'ai réagi comme le gamin en colère et stupide que j'étais. J'espère que les gens le prendront pour la bêtise qu'il était, et non pour ce que quelqu'un essaie d'en faire aujourd'hui". Non seulement Eminem a pris publiquement ses distances avec cette ancienne chanson, mais il a également sorti une chanson intitulée "Untouchable", qui critiquait le privilège blanc. Eminem a également dénoncé Donald Trump comme étant un raciste. Cela démontre peut-être qu'Eminem a dépassé les opinions racistes de sa jeunesse pour devenir quelqu'un qui reconnaît et dénonce le racisme des Blancs à l'égard des Noirs, mais il y a aussi le fait que dans "Yellow Brick Road", Eminem accuse X Clan d'être raciste. Dans cette chanson, il explique qu'il a écouté X Clan et qu'il a commencé à porter des symboles africains, sans même savoir ce qu'ils signifiaient. Cela lui a valu les moqueries des Noirs, qui trouvaient ridicule de voir un homme blanc représenter des symboles africains qui ne faisaient pas partie de sa culture. Outre le fait qu'Eminem a admis avoir adopté une esthétique culturelle qu'il ne connaissait pas, la référence au racisme du X Clan montre qu'Eminem n'a absolument pas compris le message panafricaniste et nationaliste du X Clan. Le but de leur musique était de donner du pouvoir aux Africains, et non de dénoncer les Blancs. Ce message n'était clairement pas destiné à Eminem. Brother J de X Clan a été interrogé sur le commentaire d'Eminem lors d'une récente interview. Il a déclaré que sa position était que les gens doivent pratiquer leur propre culture et conserver leur identité, plutôt que d'essayer de coopter la culture des autres. Il a déclaré que le commentaire d'Eminem ne l'avait pas offensé. YouTube : : https://youtu.be/dfLTVD_ub40 YouTube : Brother J from X Clan : Speaks about Eminem comment and new Album Dans "Yellow Brick Road", Eminem parle également de sa relation avec une fille noire à l'école, expliquant qu'elle l'a largué pour un Noir, ce qui l'a poussé à enregistrer "Foolish Pride". Dans "Yellow Brick Road", Eminem s'est excusé de s'en prendre à toute une race. Il me semble intéressant que dans une chanson où Eminem décrit le X Clan comme étant raciste, il s'excuse également pour une chanson qu'il a enregistrée pour critiquer toutes les femmes noires. La place d'Eminem dans l'histoire du hip-hop continue d'être une question controversée, en grande partie parce que l'on pense qu'une grande partie de son succès auprès du grand public est due à sa race. Mais au-delà de cela, Eminem s'est immergé dans une culture qu'il n'a pas toujours comprise, comme le montre sa déclaration sur le X Clan. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/black-girls-are-dumb-rap-race-and-eminem-f59ff81e6adf Depuis la suspension de Ja Morant, on a beaucoup parlé du fait que Morant essaie de représenter un style de vie qu'il n'a jamais réellement vécu auparavant. Hier, j'ai vu un commentaire intéressant sur la situation de la part d'une personne qui a souligné qu'alors que Ja Morant est critiqué parce qu'il est un faux gangster, il y a ceux qui donnent un laissez-passer à Tupac Shakur.
Cet échange a relancé la conversation sur la question de savoir si Tupac était un vrai gangster ou s'il l'était simplement devenu pour coller à son personnage de rappeur. Les rappeurs qui adoptent une image de gangster ou de voyou qu'ils n'ont pas vécue sont souvent appelés gangsters de studio. Cela signifie qu'ils jouent la comédie en studio. Tupac est parfois accusé de cela, en partie parce qu'il n'était pas un gangster. Tupac lui-même a admis qu'il n'avait pas de casier judiciaire avant de devenir un rappeur à succès. Tout au long de sa courte carrière, Tupac s'est constamment retrouvé dans des problèmes juridiques et d'autres controverses. Contrairement à Ja Morant, qui a grandi dans un foyer de classe moyenne avec ses deux parents, l'éducation de Tupac a été très différente. Il a été élevé par une mère célibataire, qui a fini par devenir dépendante du crack. À un moment donné, Tupac a quitté le domicile familial et s'est retrouvé sans domicile fixe. De son propre aveu, lorsqu'il était dans la rue, il était pris en charge par des individus qui menaient une vie criminelle. Tupac a essayé de vendre de la drogue, mais il n'était pas doué. Malgré cela, les trafiquants de drogue se sont occupés de lui et lui ont donné de l'argent. Ils ont tenu Tupac à l'écart de la saleté pour qu'il puisse se concentrer sur son rêve de devenir rappeur. Tupac lui-même n'a pas été directement impliqué dans des activités de gang ou des crimes comme l'ont été d'autres rappeurs, mais il a grandi dans cet environnement. Au début de sa carrière, Tupac n'essayait pas de se présenter comme un gangster, mais plutôt comme une sorte de figure révolutionnaire qui luttait contre un système qui maintenait les jeunes Noirs pauvres dans l'impasse. Il a fait de la musique sur le thème de la lutte contre le système et il l'a également vécue. En 1993, Tupac a tiré sur deux officiers qui harcelaient un Noir. Le problème, c'est que lorsque Tupac est devenu célèbre, il ne s'est pas tenu à l'écart des ennuis. Il était le premier à admettre qu'il avait souvent un comportement imprudent et immature. C'est après avoir été libéré de prison et avoir rejoint Death Row que Tupac a vraiment commencé à adopter une image plus proche du type de gangsta rap qui s'est popularisé dans les années 1990. Suge Knight avait un casier judiciaire. Après sa sortie de prison, Tupac a également entamé sa querelle avec Biggie Smalls, qu'il accusait d'être complice du vol de Tupac et des cinq coups de feu qui lui ont été tirés dessus. L'association de Tupac avec Death Row l'a rapproché d'un monde criminel dans lequel il n'était pas impliqué auparavant. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé dans une situation où il s'est attaqué à Orlando Anderson, un Crip, la nuit même où Tupac a été abattu. Tupac ne faisait pas partie de ce monde, mais il y a été entraîné par les gens qu'il fréquentait. Tupac lui-même n'a jamais prétendu être un gangster ou avoir vécu cette vie, mais il voulait aussi rester en contact avec les gens sur lesquels il rappait et qu'il représentait dans sa musique. Cela l'a souvent mis dans une situation où il s'est associé à des personnes impliquées dans ce style de vie, et Tupac a fini par s'y laisser prendre. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/was-tupac-a-studio-gangster-134aba19c648 Biggie Smalls est né le 21 mai 1972 à Brooklyn, New York. Il grandit dans le quartier de Bedford-Stuyvesant, un quartier réputé difficile où la drogue et la violence sont monnaie courante. Malgré les difficultés auxquelles il est confronté, Biggie Smalls a un talent naturel pour le rap et commence à perfectionner son art dès l'adolescence. Il a été découvert par Sean Combs, également connu sous le nom de Puff Daddy, qui l'a fait signer par son label, Bad Boy Records.
Ayant grandi dans un quartier difficile, Biggie Smalls a été exposé très tôt aux dures réalités de la vie. Ses parents se sont séparés alors qu'il n'avait que deux ans et il a été élevé par sa mère, Voletta Wallace. L'argent était rare et Biggie Smalls se tournait souvent vers le trafic de drogue pour joindre les deux bouts. Cependant, il avait aussi une passion pour la musique, et il a commencé à se produire à l'adolescence. Biggie Smalls a connu sa première chance en 1991, lorsqu'il a fait l'objet d'un article dans un magazine de hip-hop appelé The Source. Il rencontre alors Sean Combs, qui vient de créer son label Bad Boy Records. Combs est impressionné par le talent de Biggie Smalls et le signe avec lui. Le premier album de Biggie Smalls, "Ready to Die", est sorti en 1994 et est rapidement devenu un succès. L'album met en avant son style unique, mêlant l'intelligence de la rue à un flow fluide et à des paroles intelligentes. Il comprend également des collaborations avec d'autres artistes, tels que Mary J. Blige et Method Man. Après le succès de "Ready to Die", Biggie Smalls est devenu un nom connu de tous. Son deuxième album, "Life After Death", est sorti en 1997, quelques semaines seulement après sa mort prématurée. L'album est un classique instantané, avec des succès tels que "Hypnotize" et "Mo Money Mo Problems". Les circonstances entourant la mort de Biggie Smalls restent mystérieuses. De nombreuses théories circulent sur les responsables de son assassinat, certains pointant du doigt des membres de gangs rivaux, d'autres suggérant qu'il s'agit d'une conséquence de la querelle qui l'opposait à Tupac Shakur. Malgré plusieurs enquêtes et une action en justice pour mort injustifiée intentée par sa famille, l'affaire n'a toujours pas été élucidée. Le style de Biggie Smalls était unique et révolutionnaire. Il mélangeait des éléments de la vie de la rue avec un flow sophistiqué et des jeux de mots intelligents. Ses textes étaient souvent autobiographiques, détaillant les difficultés rencontrées en grandissant à Brooklyn et les défis à relever pour réussir dans l'industrie de la musique. Après sa mort, plusieurs albums posthumes ont été publiés, dont l'album "Born Again" et la compilation "Duets : The Final Chapter". Ces albums présentent des collaborations avec d'autres artistes et rendent hommage à l'héritage de Biggie Smalls. Des hommages à Biggie Smalls ont également été rendus sous diverses formes, notamment des films, des livres et des œuvres d'art. Son impact sur la culture hip-hop se fait encore sentir aujourd'hui, plus de vingt ans après sa mort. Biggie Smalls était une légende du hip-hop dont le talent et l'influence continuent de résonner aujourd'hui. Malgré les difficultés qu'il a rencontrées, il a réussi à se faire connaître et à laisser une marque indélébile sur le genre. Son style unique et son approche novatrice de la musique ont inspiré d'innombrables artistes et fans dans le monde entier. Si sa mort reste une tragédie, son héritage se perpétue à travers sa musique et l'impact qu'il a eu sur la culture hip-hop. Article original en anglais : https://dwomowale.medium.com/the-life-and-legacy-of-biggie-smalls-9238b5997e80 La conduite de Kanye West au fil des ans a été un regard fascinant sur la façon dont le système de suprématie blanche et le capitalisme façonne la psyché des hommes noirs. L’enfance de Kanye West a été marquée par la tragédie et les difficultés. Lorsqu’il n’avait que trois ans, ses parents ont divorcé et il a été élevé principalement par sa mère. Il a déclaré ouvertement l’impact que cela a eu sur lui, expliquant que le divorce a détruit sa relation avec son père. La vie familiale troublée de West est probablement à l'origine de la plupart des difficultés qu'il a rencontrées tout au long de sa vie. Comme c'est le cas pour de nombreux artistes à succès, West a réussi à établir une carrière fructueuse en dépit des difficultés rencontrées dans sa vie familiale. Il a commencé à rapper au collège et à faire des beats au lycée. Après avoir abandonné l'université, il a commencé à produire pour des artistes locaux de Chicago et a attiré l'attention de Jay-Z, qui l'a finalement engagé sur son label, Roc-A-Fella Records. Le premier album de Kanye, The College Dropout, a été un succès critique et commercial. Il a été salué pour ses paroles pleines d'esprit et sa production pleine d'âme, et a valu à Kanye dix nominations aux Grammy Awards, dont celui de l'album de l'année. Il a ensuite sorti plusieurs autres albums à succès. Tout au long de sa carrière, Kanye West n'a pas échappé à la controverse. Il a été impliqué dans de nombreuses querelles très médiatisées avec d'autres musiciens, notamment Taylor Swift, Jay-Z et Drake. L'un des moments les plus controversés et les plus mémorables de la carrière publique de Kanye West a été la fois où il a affirmé que George Bush ne se souciait pas des Noirs. Cette remarque a été faite en réponse à la mauvaise réaction du gouvernement face à l'ouragan Katrina. Les remarques de M. West reflétaient les sentiments de la communauté noire à l'époque. Cela n'était peut-être pas aussi évident en 2005, mais les commentaires de M. West n'étaient pas une déclaration condamnant la structure de la suprématie blanche. Il s'agissait d'une déclaration d'un individu frustré d'avoir été exclu du système de la suprématie blanche. C'est pourquoi J.A.M. Aiwuyor a écrit : "Il ne fait aucun doute que Kanye West a eu un impact énorme sur l’industrie de la musique et la culture pop. Depuis le début de sa carrière, Kanye critique les problèmes liés au racisme et aux structures qui s’y rattachent. Sa déclaration tristement célèbre, « George Bush ne se soucie pas des Noirs », a provoqué une frénésie médiatique et a renforcé les sentiments généraux de la communauté noire pendant la tragédie de l’ouragan Katrina. Pourtant, il semble qu’avec plus de gloire et de popularité, le commentaire de Kanye est passé de dénoncer le racisme parce que c’est mal, à dénoncer le racisme parce qu’il n’a pas eu de place à la table. C’est le plus gros problème." Aiwuyor a soutenu que Kanye West a un complexe de Frantz Fanon. Elle fait référence aux écrits de Fanon sur les esprits colonisés des opprimés. Il (Frantz Fanon) a écrit : "Le regard que le sujet colonisé jette sur la propriété et les privilèges du colon est un regard de convoitise, un regard d'envie. Rêves de possession. Tous les types de possession; s'asseoir à la table du colon et dormir dans son lit, de préférence avec sa femme. Le colonisé est un envieux." Comme l'explique Fanon, l'homme colonisé désire ressembler au colonisateur. West en est un exemple typique. En 2006, il a déclaré : "S'il n'y avait pas eu de mélange de races, il n'y aurait pas de vixens. Moi et la plupart de nos amis aimons beaucoup les ch*enn*s. Ouais, dans le quartier, on les appelle des ch*enn*s". Cela explique évidemment les choix matrimoniaux de West. Pour l'homme noir colonisé, les femmes blanches sont considérées comme un symbole de réussite sociale. Malcolm X a expliqué : "L'homme blanc a lavé le cerveau du soi-disant Noir au point de croire à la suprématie blanche, à tel point qu'aujourd'hui, certains Noirs pensent qu'ils ne progressent pas ou qu'ils n'ont rien s'ils ne vivent pas dans un quartier blanc [...] ils pensent qu'ils ne réussissent pas dans la vie s'ils n'ont pas une femme blanche pour épouse." L'idée que les femmes blanches représentent un symbole de réussite sociale pour les hommes noirs a fait l'objet d'un article de Tânia Regina Pinto dans Raça Brasil. Tânia Regina Pinto évoque une interview d'un homme d'affaires noir non identifié, que Pinto appelle DP pour cacher sa véritable identité. Pinto explique que DP a épousé sa femme uniquement parce qu'elle était blanche. Il avoue qu'en vingt-deux ans de mariage, ils n'ont jamais eu de conversation intelligente. En même temps, DP a également admis qu'il aurait refusé d'épouser une femme noire ayant fait des études supérieures s'il en avait eu l'occasion. DP a conclu qu'en épousant une femme blanche, il voyait "la porte d'entrée vers un monde meilleur". Sérgio Ferreira da Silva explique que "les hommes noirs préfèrent les blondes par peur de perpétuer la race. Quand on regarde un noir, on voit le sale, le goudron, le singe. Et ce qu'il vit comme enfant à l'école, il l'emporte dans sa vie d'adulte. Et quand il pense à se marier, il cherche la femme blanche comme objet de la négation de sa propre couleur". C'était précisément le cas de DP et de beaucoup d'hommes noirs qui pensent ainsi. Fanon a écrit sur ce sujet dans son livre Peau noire, masques blancs. Il explique : "Lorsque mes mains agitées caressent ces seins blancs, elles s'emparent de la civilisation et de la dignité blanches et les font miennes". Fanon a également fait référence à Jean Veneuse, personnage fictif d'un roman de René Maran. Veneuse souligne que les hommes noirs "qui vont souvent jusqu'à renier leur pays et leur mère, ont tendance à se marier en Europe moins par amour que pour la satisfaction d'être le maître d'une femme européenne; et il y a là un certain goût de vengeance orgueilleuse". Louis Achille observe que chez "certaines personnes de couleur, le fait d'épouser quelqu'un de race blanche semble l'emporter sur toute autre considération. Ils trouvent dans ce fait l'accès à une égalité complète avec cette race illustre, le maître du monde, le souverain des peuples de couleur". Avoir une relation avec une femme blanche était considéré comme un exploit par les Noirs des colonies françaises, en particulier ceux qui étaient partis en France. Fanon a déclaré : "J'ai eu l'honneur de pouvoir regarder avec émerveillement l'un de mes amis plus âgés qui revenait de France et qui avait pris une Parisienne dans ses bras." Fanon lui-même en est un exemple. Lorsqu'il s'est installé en France, il a entamé une relation avec une femme blanche nommée Michelle. Cette relation a donné naissance au premier enfant de Fanon, mais il n'a jamais épousé Michelle. Il l'a quittée et a épousé une autre femme blanche. Pour en revenir à Kanye West, il est un exemple typique de l'esprit colonisé. Pour citer à nouveau Aiwuyor : "Kanye est obsédé par l'idée d'être accepté, mais pas par les gens de couleur. Lorsque l'animateur radio Sway a essayé de l'encourager à créer sa propre voie, Kanye a donné la réponse désormais célèbre sur Twitter, 'You ain't got the answers Sway' (Tu n'as pas les réponses Sway)." La tragédie de l'esprit colonisé est ce désir d'être accepté par les colonisateurs qui n'ont aucune intention de nous accepter. Article original en anglais : https://medium.com/afrosapiophile/the-colonized-mind-d3d567567577 |
Le Blog
-Des traductions de textes. Archives:
November 2022
CategoriesParagraph. Cliquer ici pour modifier.
|